X-Men 166 : « Necrosha » selon Mike Carey et Clay Mann
Les lecteurs du « X-Men » de ce mois de novembre seront surpris de voir leurs mutants préférés, emmenés par Cyclope, se lancer sur les traces de Magnéto et de Lobe dans « Nation X : Vibration », le premier épisode de la revue, et de les retrouver dans l’épisode suivant, « Necrosha : Sur deux fronts », combattant les morts-vivants et la reine Séléné.
Cela tient au fait que, pour le lecteur américain, « Nation X », le récit de Matt Fraction, est publié dans « Uncanny X-Men », tandis que la participation des X-Men au cross-over « Necrosha » se déroule dans « X-Men Legacy », deux revues mutantes « historiques », mais avec chacune leur trame narrative. Pour le lecteur francophone, afin de saisir toutes les implications de la lutte dans laquelle se trouvent engagés Cyclope et les siens, il conviendrait dans l’idéal de lire « Astonishing X-Men », la revue où Panini publie le récit principal de « Necrosha ».
Non seulement on peut estimer malheureux que ce petit cross-over soit distribué sur deux titres (cela permet de se souvenir que la raison d’être d’un cross-over est avant tout de faire vendre du papier…), mais, surtout, l’inévitable comparaison entre les deux récits, à laquelle conduit leur enchaînement dans « X-Men », ne joue guère en faveur du second.
Tout d’abord, Mike Carey y emploie, tout comme Fraction, la technique rebattue des narrations parallèles, les mutants poursuivant deux lièvres à la fois, et se trouvant ainsi « sur deux fronts », comme le titre français de l’épisode le souligne. On notera au passage que Nicole Duclos nous inflige une fois de plus une traduction pour le moins curieuse du titre anglais, qui est « Give up your dead »…
Or, Carey se tire beaucoup moins habilement de ce récit que Fraction du sien. Alors que l’auteur de « Nation X » relance constamment l’intérêt en passant du groupe emmené par Wolverine à celui conduit par Cyclope, avec à chaque fois un petit suspens dans l’air, Carey fait se disperser le commando aux ordres de Diablo, et l’on assiste à deux ou trois scènes plutôt mollassonnes, où cela parle beaucoup, sans vraiment passionner le lecteur : Malicia qui dit à Magnéto qu’elle rêvait de lui casser la figure quand elle l’a embrassé ; Colossus qui doute des pouvoirs de Psylocke ; Blindfold qui enlève son bandeau (celui qu’elle a sur les yeux…). C’est censé poser une ambiance, mais elle prend assez vite les couleurs de l’ennui, et l’on finit par se demander quand il va enfin se passer quelque chose. Ce qui arrive au final, comme de bien entendu, par une péripétie plutôt sympathique, mais elle ne justifie pas, cependant, le calme – insistant – que Carey a voulu souligner avant la tempête.
Ce scénario un peu trop bavard et pas assez rythmé n’a pas empêché Clay Mann de réaliser une bonne prestation, comme illustré dans cet article. La planche reproduite ci-contre, par exemple, par laquelle s’ouvre le chapitre, est composée de manière plutôt originale. A gauche une première vignette offre une vue d’ensemble d’Utopia, qui se caractérise par son unité tonale, avec ses zones successives d’ombre, de brume, de terre et de nuages. Et elle contraste fortement avec la vignette de droite, où se donne à voir la mêlée des mutants et des zombies, avec des lignes de force transversales qui se croisent et s’entrecroisent, comme pour mieux souligner la confusion et l’ardeur du combat au corps à corps, en même temps qu’éclatent les oppositions tonales.
Sous ces deux images, qui opposent la vacuité du paysage et la profusion du combat, une troisième case vient focaliser l’attention sur les Cuckoos, lesquelles ne sont pas représentées à l’identique, comme c’est souvent le cas – c’est, par exemple, une constante chez Greg Land –, mais dessinent, par l’enfilade des visages, comme le mouvement de tête d’un seul et même personnage dont l’attention serait soudain éveillée par un quelconque phénomène situé en hors-champ. Un procédé qui contribue à dramatiser la scène.
Enfin, d’un point de vue figuratif, on signalera à la fois le naturel avec lequel sont traitées les expressions des personnages féminins, et la relative sensualité qui en émane, comme l’illustrent les planches mettant en scène Psylocke et Blindfold. Un effet qui est particulièrement sensible sur les courbes, qu’il s’agisse des lèvres ou des hanches de Bindfold, ou des épaules de Psylocke.
Même si quelques pages sont plus simples de composition, et si l’on peut trouver que Cyclope est un peu trop bodybuildé, l’ensemble reste néanmoins de bonne tenue sur le plan graphique – ce qui ne rend que plus regrettable la médiocrité du scénario.
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