Les couvertures de « Vampirella » par Marko Djurdjevic

Publié le par megaglob

Djurdjevic-vampirella-1.jpgPanini publie ce mois-ci, dans sa collection « 100% Fusion », le premier volume de la nouvelle on-going série dédiée à « Vampirella ». Ce personnage a été créé en 1969, par Forrest J. Ackerman et Trina Robins. Les auteurs y exploitaient la veine de la « good girl », si caractéristique de tout un pan du comic book, mais en la transposant dans un univers fortement inspiré du fantastique, tendance gore. Avec, en sus, un érotisme plus ou moins explicite, Vampirella ayant la bonne idée d’avoir une anatomie proche de la perfection et de se promener quasiment nue, avec sur elle tout juste de quoi couvrir ce qui eût valu au titre les sanctions de la censure s’il n’en allait pas ainsi.

 

Après avoir racheté les droits de la série à Harris Comics, Dynamite a lancé en mars 2010 une nouvelle revue mettant en scène la vampirette, sur un scénario d’Eric Trautmann et des dessins de Wagner Reis.

Djurdjevic vampirella 2C’est la version française des sept premiers chapitres que vous découvrirez dans cet album, alors que le vingtième numéro vient de sortir aux Etats-Unis. Le scénario de Trautmann est intéressant, dans la mesure où il recontextualise l’univers de Vampirella, l’auteur ayant travaillé sur l’idée que le monde qu’avait connu l’héroïne ne pouvait plus être le même aujourd’hui, et ayant cherché, à partir de là, à proposer des pistes narratives en quelque sorte plus « modernes », plus en phase avec le début du 21e siècle.

 

L’un des intérêts majeurs de « Vampirella » et, plus largement, de la plupart des titres publiés par Dynamite, tient à la qualité des couvertures, et à leur diversité. Il n’est pas rare qu’une même livraison compte trois ou quatre variantes, voire plus pour certaines livraisons, dont la rareté est par ailleurs clairement indiquée en troisième de couverture, ce qui est un plus pour les collectionneurs.

 

Djurdjevic-vampirella-3.jpgLes sept premiers chapitres de « Vampirella » ne font pas exception à la règle, et offrent de superbes couvertures signées Alex Ross, Paul Renaud, ou encore Marko Djurdjevic. Ce dernier, que les amateurs de Marvel connaissent bien, est le seul à avoir fourni une illustration pour les sept premiers fascicules de la série – toutes reproduites sur cette page, dans l’ordre de publication.

 

Son travail se caractérise tout d’abord par une option tonale évidente, le rouge et le noir dominant nettement d’une image à l’autre. Ce sont en quelque sorte les couleurs emblématiques du personnage, dont le peu de tissu qu’elle porte est rouge, et contraste avec ses cheveux et ses bottes, noirs.

 

Djurdjevic-vampirella-4-copie-1.jpgSelon les couvertures, ces deux coloris sont diversement distribués, mais ils contrastent toujours fortement l’un par rapport à l’autre. Seule la quatrième illustration se démarque de cette tendance, avec un recours ponctuel à des tonalités froides, dans les bleus, qui l’emportent nettement dans le rendu final.

 

Ces couleurs présentent à la fois des dégradés – qui, pour le noir, vont se traduire par un emploi tout en nuances du gris –, et des ombrages, qui viennent traduire le jeu de la lumière, que ce soit sur les volumes avantageux de Vampirella, ou les plis et replis des tissus. On notera au passage le recours assez fréquent, dans la mise en scène, à des effets de drapés, sur les troisième, cinquième et septième couvertures. Cet accessoire, hormis qu’il renvoie à l’un des attributs canoniques du vampire (la cape), semble être utilisé avant tout pour esthétiser la scène représentée, en jouant justement sur les jeux de l’ombre et de la lumière.

 

Djurdjevic-vampirella-5.jpgSeule fait exception la couverture du sixième fascicule, où le rouge et le noir sont appliqués en à-plat, une technique qui jure au demeurant avec le traitement beaucoup plus nuancé de la peau des deux personnages, laquelle oscille entre le blanc et un gris discret. Il en ressort un effet de mise en valeur de ce teint singulier, les visages se détachant par rapport aux vêtements et à l’arrière-plan, ce qui contribue à focaliser l’attention sur la relation entre les deux personnages.

 

La composition des illustrations, quant à elle, semble emprunter, selon les numéros, à différents genres. La troisième couverture est la plus attendue, dans la mesure où elle relève de l’esthétique de la playmate, la pose de Vampirella, qui est donnée à voir pour elle-même, dans toute sa sensualité, évoque sans aucune équivoque un calendrier Pirelli ou un magazine dit « masculin » type « Play Boy ». C’est un choix que font beaucoup d’illustrateurs, à commencer par Alex Ross, mais il est en revanche plutôt marginal chez Djudjevic.

 

Djurdjevic-vampirella-6.jpgIl est clair, en effet, que l’artiste préfère scénariser ses couvertures, comme le fait aussi assez souvent Paul Renaud, par exemple. Vampirella accoudée entre deux rangées de crânes (illustration n°1), bondissant dans un décor urbain et avec un accoutrement qui ne lui est pas des plus ordinaires (n°4), affrontant l’un de ses semblables (n°5) ou l’enlaçant (n°6), ou encore Vampirella inconsciente dans les bras d’une autre jeune femme (n°7), ne sont pas des illustrations qui ne font que montrer le corps de la good girl, pour jouer sur le désir qu’il est susceptible de susciter. Bien entendu, un tel érotisme est sous-jacent, comme, par exemple, sur la dernière couverture, à travers la pose abandonnée de Vampirella. Mais il donne aussi à voir des éléments d’ordre dramatique, dont le lecteur sait que, par convention, ils sont en relation avec la tournure que prend le récit dans l’épisode concerné.

 

Djurdjevic-vampirella-7.jpgCela permet à Djurdjevic de varier considérablement la composition de ses illustrations qui, même si elles privilégient le plus souvent le plan d’ensemble, sont structurées par des lignes de force diversement construites, portées par les postures des corps mais aussi par les accessoires (la cape) et les éléments des décors. Les lignes droites ou brisées s’opposent ainsi aux cercles que forme la lune ou un gong, et, d’une couverture à l’autre, l’impression générale que procure l’image structurée sur la base de ces procédés changeants permet d’éviter toute monotonie, et toute impression de routine dans la composition. Le dessinateur parvient même à une forte expressivité avec la cinquième couverture, où la ligne brisée qui zèbre la page évoque un éclair, et semble symboliser un affrontement à venir entre les deux personnages. 

 

Au final, Marko Djurdjevic fait montre d’une belle inventivité, et prouve que, même dans un genre aussi contraint que la couverture, il ne se contente pas d’appliquer une recette et une seule, mais préfère se livrer à un jeu subtil de variations formelles. Du beau travail d’artiste.

 

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Publié dans Analyses

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