Scott Eaton, Diablo et le Cid d'Anthony Mann

Publié le par megaglob

imt extrait 1La série limitée « God Complex » de Dan Abnett et Andy Lanning, que Panini publie ce mois-ci en français dans le cinquième numéro de « Marvel Top », présente au début de son dernier chapitre un flashback. Diablo se souvient comment, accompagnant le célèbre Cid dans sa conquête du royaume de Valence, à la fin du onzième siècle, il a été amené à prendre connaissance d’un secret alchimique qui allait lui permettre d’ourdir un plan machiavélique – dont « God Complex » relate l’une des péripéties.

 

imt montage filmDans les pages consacrées à ce flashback, Scott Eaton s’est manifestement inspiré de la célèbre transposition cinématographique de la légende du Cid, qu’Anthony Mann réalisa au début des années 1960. Sorti en 1961, « Le Cid » est aussi l’un des films les plus célèbres de l’acteur Charlton Heston, et un exemple parfait des ces épopées à grands spectacles qu’Hollywood produisait alors. Les studios californiens cherchaient ainsi à exploiter au mieux les toutes nouvelles possibilités qu’offrait le cinémascope. Ce procédé innovant de prise de vues, bien qu’il ait été théorisé dès les années 20 par Henri Chrétien, un astronome français qui s’était spécialisé dans les questions d’optique, ne fut exploité au cinéma qu’à partir de la fin des années cinquante. Il permettait de donner à voir des images deux fois plus larges, ce qui incita les producteurs à favoriser des films spectaculaires, tant par les décors que par les scènes de groupe que le scénario permettait de réunir. C’est ainsi que fleurirent les péplums et autres films sur le Moyen Age, les Vikings, les pirates, etc. Sans compter, bien sûr, le renouvellement du genre du western.

 

L’influence du « Cid » d’Anthony Mann est sensible dès la première image du quatrième chapitre de « God Complex », avec les murailles de Valence et la forteresse en arrière plan, qui sont manifestement inspirées des décors du film, avec les tentes au sommet pointu et les tours crènelées, de forme rondes, et assez trapues (voir les illustrations ci-dessus). Mais c’est surtout la forte ressemblance entre le Cid tel que Scott Eaton l’a représenté et le personnage tel que l’incarna Charlton Heston qui est frappante.

imt montage 2Comme on le voit si l'on compare le comics (ci-dessus) aux photos prise sur le tournage (ci-dessous), le Cid que rencontre Diablo dans le comics a non seulement une barbe qui est en tout point identique à celle du célèbre acteur hollywoodien, mais il a aussi la même forme générale du visage, le même nez, un même regard et – bien que cela n’apparaisse pas ici sur les photos – le même sourire. Et les accessoires ne sont pas en reste, en particulier pour ce qui est du casque, du moins celui que porte le Cid sur la seconde image dessinée par Eaton : celui du film comme celui du comics sont entourés à la base d’un liseré métallique, et, au niveau du front, une lamelle de fer s’élève à la verticale, perpendiculairement à ce liseré, et dans le prolongement du nez. Le détail est trop précis pour être le fruit du hasard.

imt cid charlton HestonOn a affaire ici à un cas typique de référence cinématographique cryptée, comme on en rencontre fréquemment dans les comics américains. En effet, dans le récit emmené par Dan Abnett et Andy Lanning, le film d’Anthony Mann n’est pas cité une seule fois. Cependant, la culture cinématographique du dessinateur, et le fait qu’elle soit partagée par une bonne partie du lectorat ou, pour le moins, supposée l’être, conduit souvent les artistes à faire allusion, par le biais d’indices graphiques forts, à telle ou telle œuvre du septième art. Ce procédé d’écriture (visuelle) fonctionne comme une espèce de « private joke » avec les « happy fews », c’est-à-dire ceux et celles qui saisiront l’allusion. Celle-ci n’est en rien indispensable à la compréhension du récit, mais elle va instaurer une complicité avec le lecteur, et rapprocher en quelque sorte l’artiste de son public. C'est un peu comme un clin d'œil entre amis.

 

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Publié dans Analyses

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S
Article intéressent, j’ignorais ce rapprochement manifeste avec le film !<br /> Je lirai le Marvel Top différemment ! Merci de nous faire partager cette complicité avec l’artiste.<br /> C’est vrai que dans l’industrie Comics, on aime faire des clins d’œil au cinéma. Tiens, un autre exemple qui me vient comme ça : Dans la série Punisher Max (Au commencement), Lewis LaRosa nous<br /> gratifiait d’un Castle aux allures de Clint Eastwood.
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M
<br /> <br /> Bad Harry pour le Punisher, cela s'imposait ! <br /> <br /> <br /> <br />