Avengers 6 : Captain America : Un arrière-goût d’« Inception »

La livraison de la revue « Avengers » de ce mois compile un épisode de « The Mitghy Thor », deux autres de « The Children’s Crusade », et le dernier chapitre de l’arc « American Dreamers » de « Captain America ». Avec ce dernier opus, Ed Brubaker signe un chapitre particulièrement rythmé dans ses deux premiers tiers, chacune des deux trames narratives en jeu atteignant son paroxysme dans des conclusions pour le moins mouvementées. D’un côté, dans le monde réel, Sharon Carter et Nick Fury affrontent la Reine Hydra, autour d’un Jimmy Jupiter qui demeure dans un état catatonique. De l’autre, dans le monde rêvé par le même Jimmy, Captain America combat Bravo dans une lutte ultime, en même temps que l’univers autour d’eux se désagrège.

Si ces deux situations ne sont pas très originales en soi, le fait qu’elles soient entremêlées l’une à l’autre par l’artifice d’une narration croisée, permet d’imposer un tempo qui va crescendo, et conduit sans temps mort au dénouement final. Mais le plus judicieux reste la conclusion même du récit : alors que l’on pense que tout est rentré dans l’ordre, les dernières pages nous donne à voir un Steve Rogers hanté par un cauchemar récurrent, où il s’imagine privé de ses superpouvoirs, et redevenu l’individu malingre qu’il était avant qu’on ne lui injecte le sérum du super-soldat. Ce faisant, Ed Brubaker prépare bien sûr la suite de son run sur la série, qui va voir la lutte entre Cap et l’Hydra devenir le fil conducteur de la saga.

Ce dernier chapitre d’« American Dreamers », mis en images par Steve McNiven, est sans doute celui qui évoque le plus directement « Inception », un blockbuster signé Steve Nolan sorti dans les salles en 2010, et dont le rôle principal était tenu par Leonardo DiCaprio. Ce film met en scène un certain Dom Cobb, dont le métier est d’explorer la mémoire de ses victimes pendant leur sommeil, afin de leur dérober des secrets industriels. Un jour, il lui est demandé non pas de prélever, mais d’ajouter un souvenir dans l’esprit de quelqu’un. Et il s'avérera qu'il est en fait lui-même victime d'une manipulation. 

Le succès commercial de ce film s’explique en partie par son scénario, qui jouait sur la frontière entre rêve et réalité, et qui s’achevait sur une scène ambiguë, où il était impossible de savoir si le personnage principal était dans le monde réel ou rêvé. Ce qui est le premier point commun avec l’aventure en cours de Captain America. Mais il dut aussi son succès aux effets visuels époustouflants, entre autres ceux où l’espace se distordait, les personnages évoluant alors dans un monde qui n’était plus plan ou horizontal, mais où les dimensions se multipliaient en même temps que le décor s’effondrait sur lui-même (voir ci-dessus et ci-contre). Or, il en va exactement de même dans cet épisode (voir ci-dessous), lors de la lutte entre Steve Rogers et Bravo, son ancien compagnon d’arme : alors que les façades des immeubles s’écroulent autour d’eux, les deux super-héros combattent sur des surfaces soudain inclinées à plus de 50, voire 90%... tout comme Dom Cobb et ses comparses dans le film.

Une telle référence cinématographique, en soi, n’a rien d’exceptionnelle : les comics s’inspirent souvent du septième art, et entre autres d’images qui sont associées de manière conventionnelle à tel ou tel film à succès. La référence fonctionne à la fois comme une espèce de clin d’œil, qui établit une certaine complicité avec le lecteur, lequel est censé reconnaître l’allusion, et comme une sorte de faire-valoir par rapport à l’histoire développée dans la bande dessinée : celle-ci sera plus facilement lisible, et crédible, si elle renvoie à une situation qui a acquis ou est en passe d’acquérir le statut de cliché narratif, validé par un blockbuster.

C’est aussi en jouant sur cet aspect de l’écriture scénaristique et graphique qu’Ed Brubaker et Steve McNiven font preuve de leur grand professionnalisme.

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