Thor : « For Asgard » de Robert Rodi et Simone Bianchi
Comme chacun sait, seule une partie des séries publiées par Marvel est disponible en français, et celles qui sont diffusées ne le sont que plusieurs mois après leur sortie aux Etats-Unis. De temps à autre, marvelouscomics vous proposera donc de découvrir un titre en V.O., et, si vous n’avez jamais tâté des comics en anglais, peut-être cela vous donnera-t-il envie de vous lancer à la découverte de ces contrées encore inconnues de l’univers Marvel.
« For Asgard » est une série limitée de la collection « Marvel Khnights », dont le premier chapitre vient de paraître. L’action se situe dans un Asgard plongé dans un hiver qui semble ne jamais devoir finir, puisqu'il dure depuis vingt-six mois, et privé du tout-puissant Odin, parti depuis deux ans dans une quête lointaine, pour tenter de sauver son royaume. Thor, a qui le trône a été confié, est confronté à d’incessantes rebellions dans ses territoires, et aux critiques plus ou moins larvées de son entourage. Au point qu’il se sent impuissant, et désespère de trouver seul une solution aux troubles qui frappent Asgard.
Si ce récit de Robert Rodi s’ouvre sur un assaut des troupes de Thor contre les géants de Jotunheim, celui-ci n’est qu’un prétexte à ouvrir une suite de scènes bien choisies, qui permettent au scénariste de montrer l’état de déliquescence du royaume, et de dessiner la psychologie des principaux protagonistes, Thor, mais aussi Fandral, Tyr, Volstagg, Sif ou encore Idunn. Les dialogues sont nourris, et bien menés, avec des tournures particulières à chaque personnage. Ce chapitre d’exposition se clôt sur une note d’incertitude qui, sans avoir la force d’un cliffhanger, n’en laisse pas moins le lecteur dans l’attente d’une issue qu'il entrevoit à peine.
Cet Asgard glacé, sur le déclin, est dessiné par Simone Bianchi, dont le style ne plaira assurément pas à tout le monde, mais dont on ne saurait nier la qualité esthétique intrinsèque, comme l’illustre la double splash page ci-dessous.
La forte dimension picturale de ce style tient en partie au souci de la composition. Le tableau ci-dessus ne compte pas moins de sept plans différents, entre les guerriers d’avant-plan et le décor en arrière-fond qui, au-dessus des murailles de la cité, se perd dans la brume et la neige. Et l’image est traversée de lignes de force qui, tout en encadrant Thor et Fandral, au centre, zèbrent l’espace selon des trajectoires divergentes, afin de rendre la précipitation et la confusion avec lesquelles les vikings se ruent sur leurs ennemis.
Le travail de Simone Peruzzi, qui se veut « color artist » et non « colorist », ne fait qu’ajouter à cette esthétique, non seulement par le rendu des couleurs de la peau, des métaux ou des tissus, mais aussi par celui des textures, et du jeu constant des lumières et des ombres sur celles-ci.
La seconde caractéristique du style de Bianchi tient à son travail relativement original sur la mise en page, comme le montrent les trois planches ci-dessus. S’il lui arrive d'utiliser aussi un tracé rectiligne, plus en phase avec les usages traditionnels, il recourt souvent à un découpage en cases singulier, qui lui permet d’imposer les effets qu’il recherche. Par exemple, sur la première planche, la tension dramatique culmine avec les deux gros plans de Thor et Sverrik, dont les visages sont comme enfermés entre le plan taille, où le fils d’Odin avoue avoir honte du fait d’armes qu’il vient de mener contre Jotunheim, et le plan d’ensemble, où Brunnhilde arrivent avec ses Valkyries pour collecter les âmes des morts, offrant ainsi un soulagement, bien éphémère, à l’affliction des deux hommes.
Et, sur la troisième planche, à droite, alors que Thor vient d’échouer dans sa tentative de soulever le Mjöllnir, Bianchi a fait en sorte que les cases du haut suggère deux mains serrées autour du manche du marteau, lequel manche est représenté par la case centrale, tandis que la case du bas figure la masse de l'arme. Il inscrit ainsi dans la mise en page même du récit l'une des obsessions qui taraude Thor, fournissant par là un bel exemple d'alliance entre fond et forme.
S'il reste à juger de la suite de cet opus, pour savoir où il va nous mener, en espérant qu'il nous réservera de belles surprises, ce premier chapitre prouve déjà que « Thor » est une série qui, bien travaillée, peut donner d’excellents résultats, un autre exemple récent en étant, à mes yeux, « The Rage of Thor », un « one shot » de Peter Milligan et Mico Suayan, publié le mois dernier.
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