Greg Pak : de Hulk au mythe de Prométhée

Publié le 16 mars 2012 par megaglob

incredible hulks 620 page 4 La récente parution de douze épisodes de « The Incredible Hulks » en français, dans le format « Marvel Monster », fournit un bon prétexte pour s’intéresser à Greg Pak, le scénariste en charge de la série. S’il n’est pas l’un des cinq Architectes de la Maison des Idées, Greg Pak n’en est pas moins l’un des auteurs les plus influents de l’écurie Marvel. Sa prestation sur « Hercules », avec Fred van Lente, est d’ores et déjà passée dans l’histoire, et il ne fait de doute que son run sur Hulk le Vert fera date également.

Greg Pak, qui, côté V.O., a déjà passé le relais à Jason Aaron, sera resté cinq ans et demi à la barre de l’une des plus célèbres franchises de l’éditeur et, pendant cette période, il aura signé plus de 75 épisodes, ainsi que deux cross-over dont le fameux « World War Hulk ». C’est en effet en 2005, avec le n°92 de « Incredible Hulk », au singulier, qu’il a fait ses premières armes. Il ne savait sans doute pas encore qu’il donnerait au personnage non seulement une ampleur toute nouvelle, dont « World War Hulk » et « The Heart of the Monster » sont comme les emblèmes, mais qu’il lui octroierait également une famille et en viendrait ainsi à donner vie et profondeur à toute une ménagerie de gladiateurs bodybuildés, tous unis par un même destin, une même malédiction.

Les récits compilés dans ce cinquième volume des aventures de Hulk en « Marvel Monster » présentent en fait quatre histoires successives, quatre petits arcs, dont seul le troisième justifie le titre donné ici à l’ensemble de l’album, « Planète sauvage ».

ih618 Le premier récit, qui correspond aux numéros 618 à 620 de « The Incredible Hulks », est lié aux événements de l’event « Chaos War », que les lecteurs français ont pu découvrir cet automne dans « Marvel Universe ». Il débute juste après l’arc « Dark son », publié par Panini en décembre dernier, dans le n°4 de « Marvel Top ». Les Hulks reviennent sur Terre et découvrent que le planète est aux mains du dieu du Chaos. Celui-ci ayant supprimé la mort, l’Abomination revient des enfers, et s’attaque au clan Hulk, avec lequel elle a un compte à régler. Si cette résurrection s’accompagne d’une manœuvre d’Amatsu-Mikaboshi pour tenter de l’emporter définitivement sur les Terriens, on aura compris que cet arc est typiquement « hulkien », en ceci qu’il est essentiellement occupé par des scènes de pugilat. Celles-ci prennent néanmoins un tour fascinant, dans la mesure où elles s’inscrivent dans un décor apocalyptique, les villes où se déroule l’action étant en proie aux flammes et à la destruction, et elles débouchent sur des planches d’une force étonnante, où Paul Pelletier donne toute l’ampleur de son art.

incredible hulks 622 019 Suit un petit arc en deux chapitres, « God smash », où Hulk va tout bonnement tenter de se confronter à Zeus, en le provoquant en combat singulier. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une digression par rapport à la trame narrative principale, mais il n’en est rien : Bruce Banner en est réduit à cette extrémité tout simplement parce que l’épisode de « Chaos War » a achevé de le convaincre qu’être un Hulk était une malédiction, et il souhaiterait que Zeus, usant de ses pouvoirs divins, fasse en sorte que les siens n’aient plus à subir un tel sort. On reconnaît dans l’argument de ce bref récit une réécriture du mythe de Prométhée, ce héros de la mythologie grecque qui, pour avoir dérobé le secret du feu aux dieux, fut enchaîné sur un rocher, où un aigle lui dévorait le foie jour après jour, le plongeant dans d’atroces souffrances. Ce mythe se retrouve fréquemment dans les comics, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le montrer, et Greg Pak en est bien conscient, puisque son héros finira par subir le même châtiment que Prométhée, si ce n’est que l’aigle est remplacé ici par des vautours.

incredible hulks 625 page 3 Le troisième arc, « Planète sauvage », qui a donné son titre au volume, correspond aux numéros 623 à 625 de « The Incredible Hulks ». C’est, avec « Chaos War », l’un des deux temps forts de l’album – et peut-être celui qui est le plus original. Greg Pak emprunte cette fois-ci à la veine de l’heroic-fantasy, tendance Conan, mâtinée de Jurassic Park. S’appuyant sur une péripétie de « World War Hulk 5 », Pak imagine que Miek The Unhived cherche à se venger, et il tend ainsi un piège aux Hulks, qui vont venir se jeter droit dedans, bien entendu. Cela donne un scénario plein d’imagination, réellement jubilatoire, au cours duquel Hulk devient le chevalier servant de Miek, à la tête d’une armée d’insectes gigantesques, tous plus repoussants les uns que les autres. Cette histoire à mi-chemin entre S.F. et le récit d’horreur est d’autant plus réussie que la peuplade du monde sauvage que rencontrent les Hulks est bien rendue, avec sa hiérarchie, ses tensions, sa culture, qui sont données à voir à travers plusieurs détails qui jouent un rôle direct dans le moteur de l’action.

incredible hulks 626 page 1 Les quatre derniers chapitres constituent un quatrième et dernier ensemble, et tournent autour des relations ô combien conflictuelles entre Bruce Banner et Betty Ross – ou, plutôt, entre Hulk et Red She-Hulk. Greg Pak revient donc à une histoire plus « psychologique », du moins en ceci qu’elle va voir évoluer la nature des rapports entre ces deux amants impossibles, qui s’aiment autant qu’ils se détestent. Il a néanmoins la bonne idée d’inscrire ce récit dans une trame directement inspirée des films d’aventures, ce qui lui donne une belle dynamique, et fait que l’amateur de scènes d’action ne sera pas déçu, même si celles-ci sont dans cet arc plus conventionnelles et moins dépaysantes que toutes celles qui ont précédé.

Bref, ce « Hulk 5 » est un excellent cru, à lire urgemment. En attendant le bouquet final, qui sortira en mai dans « Marvel Saga 14 ».