Que reste-t-il du relaunch de DC ? Sur les pratiques commerciales des éditeurs américains

Publié le par megaglob

Batman_The_Dark_Knight_Vol_2-3_Cover-1_Teaser.jpgAlors que l’été approche, il est intéressant de jeter un coup d’œil rétrospectif sur l’évolution du marché des comics, depuis l’automne dernier. Chacun se souvient que DC, en septembre 2011, avait ouvert la saison en procédant au relaunch de son catalogue. Un relaunch qui n’était guère motivé autrement que par une stratégie commerciale très agressive, mais qui avait alors eu le mérite de faire le buzz sur internet, et de susciter une forte curiosité auprès des amateurs de comics.

 

Les fruits de cette politique ne s’étaient pas fait attendre. Alors que Marvel avait caracolé en tête de ventes jusqu’en août 2011, fort de son statut de « plus grand éditeur de comics de tous les temps », le tour de passe-passe de DC lui avait valu de devancer enfin son rival, même si ce n’était que de quelques poussières de points : si l’on regarde les ventes au détail de septembre, DC s’emparait en effet de 35,74% de parts de marché, contre 35,37% pour Marvel.

 

Cela ne signifiait pas que DC avait réussi à spolier Marvel d’une partie de son lectorat. Le propriétaire des licences « Avengers », « Spider-Man » et autres « X-Men » accapare en moyenne un gros tiers du marché, aux alentours de 35%. En septembre, il n’avait donc pas perdu de lecteurs. En revanche, DC en a gagné, puisque cet éditeur truste en moyenne 30% du marché, parfois 32, guère plus : ses ventes ont donc, grâce au relaunch, progressé de 10 à 15% à la rentrée dernière.

 

catwoman-comics-on-dvd-0a26.jpgLa tendance ne devait vraiment s’inverser qu’en octobre, DC s’emparant alors de plus de 42% des ventes au détail, et Marvel tombant à 29% seulement de parts de marché, soit l’un de ses scores les plus bas jamais réalisés. On comprend pourquoi : le tapage fait autour du relaunch a continué d’attirer de nouveaux lecteurs, et, entre autres, a amené certains lecteurs de Marvel à consacrer une partie de leur budget à l’achat de comics DC. D’où la forte montée de DC, et la chute surprenante de Marvel.

 

Mais l’inversion du rapport de force entre les deux majors de la bande dessinée américaine devait être de courte durée. En novembre, DC parvenait encore à préserver sa place de tout nouveau leader du marché, avec 34,69% des ventes au détail, contre 33,30 pour Marvel. Mais, dès décembre, on observe une situation exactement inverse, avec 34,43% des ventes au détail pour Marvel, et 33,74 pour DC. Et, depuis, l’écart n’a fait que se creuser. Marvel a retrouvé dès janvier ses 35% de parts de marché, et oscille depuis autour de ce point d’équilibre, à quelques dixième près (avec, comme extrêmes, 34,64% en avril et 36,21% en mars), tandis que DC s’est nettement tassé. Si l’éditeur de « Batman » a préservé son niveau de fin 2011 en janvier 2012, avec encore 33,55% des ventes de détail, il a baissé dès janvier à 29,47%, et est resté depuis autour de 30%, soit le niveau qui était le sien avant le relaunch de son catalogue, à la seule exception du mois de mai, où il a renoué ponctuellement avec les 32%.

 

Mera_0001.jpgAutant dire que, dix mois après, plus rien en reste des effets commerciaux de l’opération « relaunch ». Ce qui n’a rien de surprenant : renuméroter les revues DC à partir d’un numéro « 1 » tout symbolique ne changeait en rien le contenu narratif de ces revues, ni la nature de l’univers qui est le leur. On pouvait donc dès septembre prédire que le succès de DC serait de courte durée, compte tenu de ce qu’il ne s’appuyait sur aucun changement de fond – ce que « marvelouscomcis » avait clairement annoncé dès l’automne dernier dans sa rubrique mensuelle portant sur « Les meilleures ventes de comics du mois », et qui a depuis été validé par les faits.

 

Toutefois, il y a sans doute une leçon à tirer de ces observations. Le relaunch de DC n’est que la manifestation la plus visible de pratiques commerciales dont on peut questionner l’effet qu’elles ont sur la politique rédactionnelle des éditeurs. A toujours vouloir, pour l’un, conserver sa place de leader et, pour l’autre, à passer en première ligne, Marvel et DC sont condamnés à toujours aller plus loin dans la surenchère, en multipliant les relaunches et les créations de revues plus ou moins arbitraires, tout comme les cross-overs et autres events plus ou moins bien pensés – le dernier en date étant cet « Avengers versus X-Men » qui suscite déjà tant de commentaires plus ou moins dubitatifs. Car, pour préserver ses positions, ou gagner toujours plus de parts de marché, dans la société hyper-médiatisée où nous vivons, il faut sans cesse créer l’événement pour faire parler de soi, même si, au lieu de créer du nouveau, on ne fait qu’en donner l’impression.

 

Les deux éditeurs jouent là un jeu qui pourrait finir par les desservir car, avec le temps, les lecteurs de l’un comme de l’autre pourraient se lasser de pratiques qui, à force d’être mises en œuvre, finissent par devenir transparentes, et perdre de leur efficience. Un éditeur qui jouerait un autre jeu, avec de toutes autres règles, pourraient alors avoir des chances de s’imposer, dans ce paysage finalement très conformiste de l’édition de comics grand public.

 

N.B. : Les chiffres fournies dans cette étude sont disponibles sur le site du distributeur Diamond.

 

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Publié dans Analyses

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