Le Silver Surfer vu par Stephen Segovia et Harvey Talibao

Publié le par megaglob

Si le scénario imaginé par Greg Pak pour le « Silver Surfer », la série limitée publiée ce mois-ci dans « Marvel Universe Hors série », reste assez conventionnel, il s’est adjoint la collaboration de deux artistes plutôt intéressants. Deux, et non pas un seul, ce qui est relativement rare pour une série de seulement cinq épisodes. Le premier chapitre a été mis en images par Stephen Segovia, lequel a ensuite passé le relais à Harvey Talibao dès le second, qu’ils ont cosigné, avant que Talibao ne prenne complètement la main, à partir du troisième. On devine que Segovia s’est retrouvé dans l’impossibilité de faire face à ses diverses obligations, et que Talibao sera venu le décharger d’une de ses tâches, afin que la série puisse sortir en temps et en heure. Un tel changement a toujours une incidence sur la qualité graphique, même si, comme c’est le cas ici, le style des deux auteurs n’est pas sans point commun, ce qui a au moins pour mérite d’éviter une trop forte rupture visuelle en cours de lecture. Et cela nous donne l’occasion de comparer certaines caractéristiques stylistiques de l’un et de l’autre artiste.

ss segovia vs talibao 1Comme on le voit sur les illustrations reproduites ci-dessus, avec l’extrait d’une planche de Segovia, à droite, et une autre de Talibao, à gauche, les deux dessinateurs restent dans un style relativement « réaliste », même si le second a une tendance à la stylisation plus marquée. Norrin Radd, chez l’un comme chez l’autre, apparaît dans une pose dynamique, les jambes fléchies, avec des mouvements de bras qui évoquent plus le sprinter que le surfer, le tout en équilibre sur une planche curieusement inclinée de droite à gauche, tous ces procédés procurant une impression de vélocité. Cette dernière est encore renforcée par les rayons lumineux qui, sur les deux planches, viennent zébrer l’espace. A droite, ils correspondent à des raies d’énergie qui sourdent de la planète, et sont donc parfaitement intégrés au scénario, tandis qu’à gauche, moins directement liés à l’histoire, ils proviennent d’étoiles proches. Mais, dans l’un comme dans l’autre cas, ils sont intégrés à l’image de manière très « naturelle », avec l’effet de vélocité qu’ils induisent, et ils constituent à ce titre un procédé plus subtil, visuellement parlant, que les zébrures artificielles dont, bien souvent, un dessinateur marque les déplacements rapides dans l’espace , un procédé graphique extrêmement fréquent dans les mangas, par exemple.

 

ss segovia surfer seulCela dit, des différences apparaissent également. Talibao recourt de manière plus ostentatoire à des effets informatiques, comme le révèlent les halos lumineux et les effets de floutés, lesquels sont absents du Surfer vu par Segovia. C’est l’un des éléments qui donnent au style de ce dernier un aspect plus proche du comic book traditionnel. Mais ce n’est pas le seul : on voit sans peine que le trait de Talibao est plus complexe, plus maniéré, avec des ombrages également plus marqués. En comparaison, le Surfer de Segovia apparaît comme plus net, allant plus à l’essentiel et, quelque part, comme étant plus dynamique, plus énergique que celui de Talibao. En effet, la surcharge de détails et les ombrages appuyés, s’ils peignent un Surfer plus « sombre » que celui de Segovia, tendent aussi à le fixer plus sur la page, à lui enlever quelque peu du dynamisme que la pose qu’il est sienne suggère par ailleurs.

ss segovia vs talibao 2Passons à un deuxième exemple, avec les deux planches ci-dessus. Celle de Segovia est toujours à gauche, et celle de Talibao à droite. Leur point commun est de dérouler d’une case à l’autre des nébuleuses de gaz, dans lesquels les personnages baignent plus ou moins. On voit tout de suite, dans le traitement même des volutes, que le trait de Segovia est bien net, tandis que celui de Talibao est volontairement plus incertain, avec des ruptures et des reprises. Cela donne une fois de plus le sentiment d’un dessin plus dense, plus détaillé – mais aussi plus lourd. Il en va de même des personnages. Le visage de Norrin Radd, dans la première vignette de la planche de Talibao, se caractérise par des traits accentués, qui lui donnent même des yeux qui ne sont pas sans évoquer un personnage plutôt féminin, avec ses longs cils très marqués, et le soulignement du bord des paupières. Un effet que les ombrages ne font qu’accroître. A l’inverse, les personnages chez Segovia reçoivent un trait plus fin, plus léger, et des zones d’ombre plus discrètes, comme le montrent par exemple le gros plan sur Galactus ou la contre-plongée sur le Surfer. A nouveau, ces procédés donnent le sentiment d’un dessin bien dans la norme du comic book chez Segovia, tout en énergie, tandis que celui de Talibao se donne plus à voir pour lui-même, avec ses effets plus insistants, et une certaine tendance à l’expressionisme.

 

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