Sur une couverture de Jim Cheung pour Avengers versus X-Men
Jim Cheung vient de publier sur sa page Facebook les différents états de sa couverture pour le n° 5 du très attendu « Avengers versus X-Men » - ou « AvX ». L’exercice est intéressant, dans la mesure où il montre bien le rôle décisif de la couleur en matière d’illustration. Commençons par la version noir et blanc :
Cheung n’a pas choisi la facilité, nous proposant un dessin qui semble directement inspiré du baroque italien. Quatre personnages s’y confondent : Cyclope, à droite, représenté en très gros plan ; Captain America à gauche, en plan poitrine, la tête en bas ; Wolverine, en bas, dans une posture plus dynamique qui donne l’impression qu’il a comme transpercé la masse compacte formée par les deux précédents ; et, en haut, le Phœnix qui s’envole, sur une trajectoire exactement opposée à celle de Wolverine, mais qui s’inscrit dans une même orientation en diagonale, ce qui achève d’imposer une ligne de force au dessin. Celle-ci est néanmoins brisée par les stries en soleil qui émane de la fusion-confusion des quatre personnages, ainsi que par les gerbes d’énergie qui sortent de la bouche et des yeux de Cyclope, et les prolongements nébuleux des ailes du Phœnix. En arrière-plan, les astres font ressortir la violence de la rencontre, par leurs formes rondes, moins agressives par nature que les éléments qui figurent au premier plan.
Une fois coloré, le rendu du dessin change assez nettement. L’arrière-plan planétaire gagne en présence, à cause de ses couleurs froides, qui accompagnent les ombrages figurant le relief, et en profondeur, grâce au halo lumineux qui met en relief l’orbe des astres. En revanche, la mêlée des quatre super-héros perd en lisibilité, essentiellement à cause du travail trop appuyé sur les dégradés de lumière, et l’éclat excessif donné aux gerbes de flammes et d’énergie. Dans la version en noir et blanc, les parties lumineuses étaient parfaitement rendues par un trait net et clair, sur fond blanc, à côté duquel les personnages ressortaient parfaitement. Ici, ils sont comme noyés dans la nébuleuse qu’ils forment. C’est plus agressif, plus criard, plus chargé, et en même temps moins net, et donc moins expressif.
Quant à la version finale, avec le bandeau de titre et tout ce qui s’ensuit, elle modifie encore la perspective. Le Phœnix y est très clairement valorisé, dans la mesure où il se détache sur le bandeau de titre, ce qui a aussi pour effet de mieux donner à voir les trois autres protagonistes, en démêlant en quelque sorte leur situation. Ce rendu s’explique aussi par la suppression de tout l’arrière-plan. En soi, on pourra le regretter (le dessin est tout de même amputé d’un bon tiers), mais celui-ci portait l’essentiel des couleurs à dominante froide. La suppression du contraste couleurs froides / couleurs chaudes réduit mécaniquement l’impact sur la rétine de la luminosité qui baigne les quatre personnages ; la scène apparaît dès lors comme moins agressive ou moins criarde – et aussi plus lisible.
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